AuteurPaula Buswell

Les routines essentielles pour démarrer l’année

Les premières semaines sont essentielles pour la mise en place des règles de vie dans une classe. Je propose ici une liste de routines essentielles pour démarrer l’année dans une classe de maternelle, et une méthode en trois étapes pour les installer efficacement.

Les routines sont les “dans notre classe, on fait comme ça”. Elles précisent les comportements qu’on attend de nos élèves à différents moments de la journée. La routine structure la journée, notamment les transitions. 

Pour être efficaces, ces routines doivent être claires, enseignées explicitement à nos élèves (les répéter ou afficher ne suffit pas), constantes, et encouragées tout le long de l’année.

Des routines claires

FlouMieuxTrès clair
J’attends mon tour pour parlerJe lève la main pour parlerJe lève la main en silence et j’attends d’être appelé pour parler
Je range les feutresJe range les feutres à leur placeJe range les feutres dans leur barquette et je la range sur l’étagère bleue à côté des crayons. 

Des routines enseignées explicitement

  • Je note dans mon emploi du temps le moment où je vais l’enseigner. 
  • J’utilise les étapes de l’enseignement explicite
    • J’explique ce qu’ils vont apprendre à faire, et pourquoi
      • Aujourd’hui, je vais vous montrer comment on peut demander à un copain de nous prêter un feutre. On sait qu’on ne peut pas lui prendre des mains, donc on va apprendre à demander.
    • Je montre comment faire
      •  “Ah, je vois que Marcus a le feutre rouge, j’ai besoin du rouge. Je vais lui demander: Marcus, tu peux me donner le feutre rouge, j’en ai besoin pour mon dessin?” 
    • On fait ensemble une, deux, trois fois
      • Demander à quelques élèves de montrer 
      • Rester avec eux pendant des ateliers de coloriage/dessin
    • Les élèves font seuls et je félicite, je corrige, j’encourage, j’apporte des précisions……
  • Je continue expliquer, montrer, accompagner jusqu’à ce que ce soit acquis

Pour plus de détails sur comment installer des routines en classe, vous pouvez lire cet article: Installer des routines qui fonctionnent en Maternelle.

Des routines constantes

  • J’applique la routine tous les jours. Je ne réponds pas à un élève qui a parlé sans attendre son tour, je ne commence pas le regroupement si la classe n’est pas rangée, on ne se déplace pas à l’école si le rang n’est pas formé. 
  • Je m’assure que tous les adultes de la classe connaissent la routine (ASEM, binôme si je partage la classe avec un autre enseignant). 

Encourager les routines

  • Faire des rappels avant le moment où on souhaite voir la routine: au début de chaque regroupement, je prends 10 secondes pour leur dire “je sais que vous avez beaucoup de choses à dire, je vais donner la parole uniquement aux élèves qui lèvent la main et attendent leur tour!”
  • Utiliser un signal ou un mouvement qui rappelle la routine. Par exemple dans ma classe on lève un doigt, et avec l’autre main on met un doigt sur la bouche. 
  • Le point le plus important ici à mon sens: ignorer autant que possible les enfants ne respectent pas la routine. Si vous rebondissez sur le commentaire d’un enfant qui a parlé sans lever la main, le message est très clair pour tous: pas besoin de lever la main ni d’attendre son tour, si je parle assez fort ça marche aussi.
    • Nuance aux débuts, ou chez les plus petits: au lieu d’ignorer simplement l’enfant, on peut le regarder avec bienveillance et lui montrer le signe de lever la main, mais sans rebondir sur ce qu’il a dit. 
  • Rester en “haut parleur” pendant que je distribue la parole: “ah, je vois que Mario a levé la main en silence, on t’écoute Mario”.
  • Féliciter un enfant qui suit la routine est beaucoup plus efficace que de faire un rappel tonique aux autres. “Je vois que tu patientes depuis un moment Lara, merci pour ta patience, on t’écoute”.

Liste de routines essentielles

Cette liste n’est pas exhaustive, mais ce sont des routines qui une fois installées rendent la vie plus belle en classe!

Transitions

  • Accueil le matin – ce que je fais quand j’arrive à l’école
  • Ranger et venir s’installer en regroupement
  • Se préparer pour la récréation 
  • Se déplacer dans l’école
  • Retour dans la classe (après récréation, motricité…)

Regroupement

En atelier ou activité

  • Que faire quand j’ai une question
  • Que faire quand j’ai terminé 

Les besoins des élèves

  • J’ai besoin de de boire de l’eau
  • J’ai besoin d’aller aux toilettes
  • J’ai besoin de l’adulte (pour une question, un câlin…)

Un signal pour

  • On arrête et on écoute l’enseignant
  • On arrête l’activité et on range
  • La récréation est terminée, on vient se ranger

Installer une routine en trois étapes

Le tableau ci-dessous peut vous servir de base pour préparer vos routines. Une version à télécharger est proposée plus bas dans l’article.

Notre routine pour:
Description
Ce que les élèves vont faire. Verbes d’action, phrases courtes. 
Prévention
Ce qui risque de poser problème, et comment je peux les éviter.
Cette étape va aider à mieux cibler la transmission

Difficultés possibles: 


Solutions pour les éviter:






Transmission

Noter comment je vais enseigner cette routine













Prévoir les encouragements et félicitations aide à y penser
J’explique: 


Je montre: 


On fait ensemble: 


J’accompagne (ils font):


Je félicite et j’encourage:

Vous pouvez télécharger la checklist et le tableau pour préparer la tranmission d’une routine ici:

Distribuer la parole en regroupement

Comment distribuer la parole en regroupement. Ou pourquoi je n’interroge pas souvent les élèves qui lèvent la main, et que faire à la place.

Le classique à l’école, c’est « on lève la main pour parler ». C’est une méthode qui peut être très efficace pour distribuer la parole aux enfants qui lèvent la main. Et c’est bien là sa plus grande limite.

A quoi sert le regroupement en maternelle

Les regroupements sont des moments clés dans la journée et la vie d’une classe de maternelle. On y apprend à « faire groupe », à parler devant les autres, à donner son avis et à écouter celui des autres. C’est ici qu’on parle de ce qu’on va faire, de ce qu’on a fait. En regroupement, on écoute des histoires et on y apprend des nouveaux mots.

Ce sont des moments ou les élèves travaillent sur plusieurs compétences.à la fois, et acquièrent beaucoup de connaissances! Il est très important que ce soient des moments propices aux apprentissages pour tous.

Cela implique que:

  • L’ambiance doit être relativement calme, sans interruptions.
  • Tous les élèves doivent se sentir concernés, participer.

Maintenant que la mission est claire, on va voir comment on peut s’y prendre!

Pourquoi appeler les enfants qui lèvent la main ne marche pas

Un enfant de maternelle est attentif quand il est intéressé et se sent concerné par ce qui se passe. Leur cerveau étant encore en cours de maturation. Beaucoup n’ont pas encore cette capacité que nous avons, adultes, à rester assis calmement en attendant que ça se passe quand ça ne nous intéresse pas trop.

Pour la plupart des enfants, soit ils sont activement engagés dans l’activité, soit ils sont en train de rêvasser ou de déranger.

Comme vous vous adressez à 25 enfants simultanément, c’est difficile de garder tout le monde activement engagé en tout temps. Lors d’un regroupement, il y aura toujours des élèves qui vont penser à autre chose à un moment donné. Ils vont voir le tshirt à paillettes de leur camarade et avoir envie de le toucher, ils vont sentir un besoin incompressible de bouger. Ou ils vont partir dans leur merveilleux monde intérieur et lutter contre des dinosaures. Ces enfants là, quand vous allez poser une question au groupe, ils ne vont pas lever la main. Pour distribuer la parole en regroupement, il faudra aller les chercher.

Interroger uniquement les enfants qui lèvent la main entretien une boucle de désengagement pour les élèves moins attentifs. Non seulement ils ne sont pas « rappelés à l’action », mais ils sont confortés dans le fait que, sans action de leur part, personne ne viendra demander leur avis et ils peuvent rester dans leurs rêveries.

Appeler un enfant qui commence à se désengager est une excellent moyen de le ramener à l’activité de façon positive, de lu montrer que son avis compte et que vous avez envie qu’il soit « avec vous ». C’est aussi une technique de prévention des comportements hors cadre très puissante, car un enfant qui répond à une question sur le livre qu’on vient de lire, c’est un enfant qui ne papote pas avec son voisin.

Des techniques pour distribuer – vraiment – la parole

La technique la plus simple pour distribuer la parole, qui ne nécessite aucun matériel ou préparation, est simplement de poser la question directement à un enfant. « Inès, tu sais quel jour nous sommes aujourd’hui? ». « Marcus, qu’est-ce que tu vois sur la couverture du livre? Tu crois que ça va parler de quoi? ».

Cela permet d’aller chercher l’enfant qui commence à « partir », ou simplement l’enfant qui est timide et qui ne va pas se proposer spontanément pour répondre. Comme notre but est d’encourager la prise de parole, on prend soin de poser des questions plutôt faciles aux très timides, des questions fermées par exemple. Si prendre la parole devant le groupe est déjà difficile pour eux, on ne va pas ajouter une difficulté en posant une question complexe. Au fur et à mesure qu’ils se sentent plus à l’aise, on commence à les interroger comme tout le monde.

On peut aussi utiliser des techniques de tirage au sort, avec des bâtons où on écrit le prénom des enfants par exemple. On peut ensuite les ranger dans un deuxième pot pour être sûrs d’appeler « tout le monde » à un moment donné.

Quand on a une question simple à poser à tout le groupe, on peut faire le tour, très littéralement. Par exemple « tu viendras déguisé en quoi pour le carnaval? ». Je commence à ma droite et on fait le tour. Pour ce type de question, comme la plupart des enfants on TRES envie de répondre, ce système a l’avantage de réguler l’attente (on sait qu’on va passer, on sait même quand on va passer).

Et puis bien sûr, quand un enfant lève la main désespérément en se tortillant dans tous les sens car il a très envie d’ajouter quelque chose, on peut aussi l’appeler! L’important est simplement de ne pas laisser quelques enfants dominer 90% du regroupement.

En quelques mots, ce qu’on peut garder en tête pour distribuer la parole en regroupement:

  • Nous avons besoin de garder tous nos élèves engagés pendant le regroupement.
  • Quand on interroge un élève qui lève la main, on sollicite un enfant qui était déjà engagé dans l’activité.
  • Interroger les élèves qui se désengagent est un moyen très efficace de les ramener dans l’activité.
  • Choisir les élèves qu’on interroge plutôt que leur dire de lever la main nous permet de distribuer la parole à tous, pas qu’à ceux qui sont spontanément volontaires.

Envie de trouver plus d’idées? Cette vidéo d’Emilie sur le coin regroupement est vraiment super aussi. Et pour mettre en place un système de gestion de classe (et pas que du regroupement!) respectueux et efficace, vous pouvez explorer ces articles par ici.

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Apprendre à patienter

J’ai une petite phrase magique que j’utilise pour apprendre à patienter à mes élèves: “On va chauffer notre contrôle inhibiteur« . Cela marche à tous les coups, donc je partage avec vous la technique… que vous pouvez bien sûr adapter à votre sauce!

Trois étapes pour la mettre en place :

1. Comprendre le contrôle inhibiteur:

Le contrôle inhibiteur est un processus cognitif qui nous permet d’inhiber certains automatismes et de résister à la tentation. Il désigne ainsi la capacité d’un enfant à réguler ses réactions impulsives, à arrêter ou à freiner ses comportements spontanés. Il va permettre à nos petits élèves de:

  • Arrêter avant d’agir impulsivement
  • Suivre les règles
  • Ecouter attentivement

La difficulté, est que le cerveau de l’enfant en maternelle est encore en plein développement, et son contrôle inhibiteur n’est pas encore aussi « performant » que le nôtre. C’est donc tout à fait normal que ces tâches d’inhibition de leurs envies et impulsions soient plus difficiles pour eux.

Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras et dire « de toute façon à 4 ans ils ne savent pas attendre leur tour de parole… ». Bien au contraire! C’est parce que leur cerveau est en plein développement que c’est le moment idéal pour leur apprendre à l’utiliser à leur avantage, leur apprendre donc à patienter, par exemple!

2. Expliquer tout cela à vos élèves:

Voici comment je l’ai fait:

J’ai installé mes élèves de Moyenne Section en regroupement. Après avoir “localisé” notre cerveau et parlé un peu de “à quoi ça sert”, nous sommes rentrés dans le vif du sujet. Je leur ai dit que c’est normal d’avoir envie de faire plein de choses qu’on ne peut pas faire, ou à un moment où on ne peut pas les faire. Et qu’il est difficile de ne pas les faire, parce que notre cerveau est très fort pour nous aider à faire des choses!

J’ai aussi dit que leur cerveau a une partie bien spéciale, le cortex préfrontal, tout devant, qui a des pouvoirs incroyables. C’est là qui se trouve notre contrôle inhibiteur, la partie de leur cerveau qui nous dit parfois: “Non! Il faut pas faire ça!”. Quand on a quatre ans, cette partie du cerveau est encore en train de grandir et n’arrive pas toujours à parler très fort. Donc qu’il faut être très concentré pour l’entendre. Et que pour aider notre contrôle inhibiteur à nous aider à patienter, rien de mieux que bien le chauffer quand on sait qu’on en aura besoin!

3. Mettre en action au début de chaque regroupement:

Je commençais ainsi chaque regroupement avec la même phrase: “Je vais vous poser des questions, vous allez tous avoir envie de répondre. Mais il faudra attendre d’être appelé. Alors on va chauffer notre contrôle inhibiteur pour qu’il nous aide à patienter”. Et on se frottait le front.

Et ça marchait. Les élèves était plus attentifs, il y avait moins d’interruption. Quand un enfant coupait la parole à un autre, je le regardais en frottant mon front. Une fois sur deux, le message passait: il se taisait et frottait son front aussi, puis levait la main.

Certes, c’est faux: se frotter le front ne “chauffe” pas le cortex préfrontal, et encore moins le contrôle inhibiteur. Ce rituel fonctionne parce qu’on est complètement dans la prévention, et il combine:

  • Un rappel très explicite du comportement attendu
  • Une technique pour aider les élèves à patienter
  • Le sentiment d’être capable: les élèves croyaient dur comme fer qu’avec leur contrôle inhibiteur “chauffé”, ils seraient capables d’attendre leur tour.

Même si j’ai un peu joué avec les mots et les concepts, le message profond que je voulais passer était: Il y a une partie de ton cerveau qui t’aide à résister face aux tentations du monde. Et tu peux apprendre à l’utiliser.

Expliquer aux enfants comment fonctionne leur cerveau, c’est leur donner les clés pour qu’ils arrivent à se concentrer, à patienter, à mémoriser, à persévérer, à se corriger, à réguler leurs émotions, à apprendre. Et ils adorent!

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Apprendre à réguler les émotions, concrètement

Dans une classe de maternelle, l’énergie et l’excitation montent vite. Parfois c’est très joyeux mais un peu trop bruyant.  Parfois des frustrations ou disputes commencent à se multiplier. 

Apprendre à nos élèves à réguler leurs émotions est un puissant levier pour retrouver un peu de calme, et ainsi favoriser le bien être de tous et les apprentissages

Dans cet article nous abordons la régulation émotionnelle en maternelle en trois étapes:

  1. Définition de régulation et co-régulation émotionnelle, pour savoir de quoi on parle.
  2. Concrètement, ce qu’on peut faire en classe pour aider nos élèves à réguler leurs émotions
  3. L’importance de l’auto-régulation de nos émotions.

Régulation et co-régulation émotionnelle

La régulation émotionnelle, c’est notre capacité à agir sur nos propres émotions.

La co-régulation émotionnelle, c’est quand on le fait à deux, ou à plusieurs.

C’est en partie un processus automatique, où l’état émotionnel des uns influence l’état émotionnel de ceux qui l’entourent. Cela explique pourquoi un enseignant calme et posé va “transmettre” cet état d’esprit à ses élèves. Et pourquoi il est si difficile de rester calme et posé face à une classe agitée et bruyante.

Mais c’est aussi un processus volontaire, où nous pouvons accompagner une personne dans la régulation de ses émotions. Cela se fait en régulant nos propres émotions, et/ou à travers des actions ciblées qui vont aider l’autre à réguler ses émotions. 

Concrètement, comment faire?

Les élèves de maternelle ont très peu de connaissances sur les émotions et sur ce qu’ils peuvent faire pour agir dessus. Leur cerveau encore en développement est aussi moins équipé que le nôtre pour gérer les situations d’émotion forte. 

Nous allons donc agir sur ces deux points: leur apprendre ce qu’est une émotion, mais aussi leur apprendre comment les réguler. 

Leur expliquer comment fonctionnent les émotions 

Prendre le temps d’expliquer aux enfants que, quand on ressent une émotion très forte, il est difficile de réfléchir à ce qu’on doit faire, on fait les choses sans y penser et sans toujours réussir à penser aux autres. Mais aussi leur expliquer qu’il y a des choses qu’on peut apprendre à faire pour nous aider à retrouver un peu de calme. Il me semble très important de transmettre à l’enfant l’idée qu’il a un pouvoir sur une partie de ses émotions. 

Voici une belle vidéo qui peut vous aider à aborder le sujet en classe: Le cerveau dans la main.

On apprend encore peu aux enfants qu’ils ont un pouvoir sur leur état émotionnel. On admet assez naturellement que les enfants sont “submergés par leur émotion” et “ne peuvent pas la contrôler”. Si cela est vrai parfois, la plupart du temps les enfants sont dans des état émotionnels moins marqués, et c’est en s’entraînant qu’ils vont apprendre à réguler leurs émotions… et les comportements qui vont avec. 

Des techniques de régulation émotionnelle pour quand ça monte 

  • En faisant avec eux: faire une pause et prendre trois longues respirations, avec un élève ou avec toute la classe, c’est ultra simple et incroyablement efficace. L’important ici est de faire avec eux. Non seulement cela leur apprend à le faire, mais ça va agir sur notre propre état émotionnel aussi. 
  • La respiration est encore un peu “abstraite” pour beaucoup d’élèves en maternelle, passer par des mouvements de corps est alors très efficace: “la respiration du 
  • En modelant la régulation émotionnelle. J’ai souvent arrêté un regroupement pour dire “Oh la vous parlez dans tous les sens, sans s’écouter, cela me stresse. Je vais respirer profondément et compter jusqu’à 10 pour retrouver mon calme”. Cela prend littéralement 15 secondes, me permet de retrouver mon calme, et bonus, beaucoup d’enfants le faisaient automatiquement avec moi…

Des techniques dans le quotidien de classe

Au-delà de ces utilisations “en urgence”, quand on a besoin d’aider des élèves à retrouver un état plus calme de suite, il peut être très utile d’incorporer ces techniques à notre quotidien

  • On peut commencer tout regroupement par 3 grandes respirations
  • On peut faire quelques étirements, rotation de tête ou d’épaules ensemble avant de partir en ateliers: ça détend les muscles et les esprits, et aide tout le monde à focaliser l’attention. 
  • On peut fermer les yeux et écouter une musique douce pendant une minute en retour de récréation. Si on sent que le groupe est trop agité pour cela, leur proposer d’écouter un morceau doux en bougeant sur le rythme, puis baisser le son petit à petit jusqu’à arriver à un état presque immobile, et respirer un grand coup. 

Ces ritualisations ont deux avantages: 

  • Ils vont détendre l’ambiance et les esprits petit à petit, avant que ça ne monte trop. Quand on prend soin de dire à notre cerveau “tout va bien, relax” plusieurs fois par jour, un état d’esprit de base plus serein peut s’installer, et au niveau de toute une classe, cela change la donne. Prévenir est plus simple que corriger!
  • Les élèves prennent l’habitude, ils apprennent à se détendre en bougeant leur corps ou en prenant des grandes respirations. Cela leur sera utile en moment de “crise”; à l’école comme ailleurs.  

C’est d’autant plus vrai si on explique clairement ce qu’on fait et pourquoi: “On va écouter une musique douce parce que, en rentrant de la récréation, c’est normal que votre corps et votre cerveau soient très agités. Pour pouvoir nous concentrer en classe, on a besoin de les aider à se poser un peu… alors on va écouter la musique et bouger de plus en plus doucement, pour dire à notre cerveau que ça y est, on s’est bien amusés en courant, maintenant on est dans la classe, il faut se poser un peu…”

De l’importance de l’auto-régulation de nos émotions

Ces techniques sont toutes importantes et efficaces, mais le levier principal pour aider vos élèves à réguler leurs émotions est de… réguler les nôtres! Nous sommes l’adulte dans la classe, nous avons un cerveau pleinement développé, et nous avons la responsabilité du bien être et des apprentissages dans notre classe. Alors prenons soin de nous, choisissons les techniques qui fonctionnent pour nous, et appliquons les.  

Et quand on perd le contrôle, que ça explose en classe, on se ressaisit. 

  • On respire dès qu’on peut, on retrouve un tant-se-peut état de calme. 
  • On s’excuse si on a eu des comportements inappropriés (“je n’aurais pas dû crier comme ça, je m’excuse”). 
  • On rappelle nos besoins “quand je sonne la cloche, j’ai besoin que vous arrêtiez votre jeu et que vous rangiez, même si vous n’en avez pas envie. C’est la règle dans notre classe, et cela est très frustrant pour moi quand vous ne la respectez pas”.). 

Et c’est reparti. On a modelé un retour au calme, le fait qu’on peut tous se fait prendre par nos émotions, l’importance d’assumer ses responsabilités, et on a fait un rappel de la règle sans porter jugement sur les enfants. Que du beau chemin parcouru ensemble avec nos élèves!

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Idées pour enseigner le vocabulaire en maternelle

Entendre un petit élève utiliser un mot compliqué qu’il vient d’apprendre en classe, ou faire une phrase complexe qu’il était incapable de faire il y a quelques mois… Ce sont des petits bonheurs quotidiens dans une classe de maternelle. Des enfants qui arrivent à l’école avec des phrases toute simples, ou en disant que quelques mots isolés, partent au CP en parlant “comme des adultes”. Mais pas tous. 

L’écart de niveau de langage entre élèves dans une classe peut être frappant. Et il n’est pas toujours facile de savoir que faire pour aider nos petits élèves qui ont un plus de difficultés. 

Le Conseil Scientifique de l’Education Nationale a publié une synthèse de la recherche et des recommandations pour faciliter l’acquisition du vocabulaire à l’école maternelle

Cette série d’articles propose des outils et activités pour la maternelle, qui répondent aux principes et recommandations de ce rapport

On commence par des activités qui vont sensibiliser l’élève à la structure phonétique de la langue française. Il ne s’agit pas tant de leur enseigner du vocabulaire, mais de jeter les bases pour une acquisition fluide des mots. Avant de pouvoir apprendre et utiliser un mot, il est essentiel de le reconnaître et de le distinguer correctement des autres mots similaires. 

Qu’est-ce que la structure phonétique

Quand on parle de phonologie en maternelle, on pense aux sons qui composent les mots. La structure phonétique englobe cela, l’ensemble des sons, mais aussi les règles de prononciation (par exemple les liaisons), et des caractéristiques acoustiques de la langue. Pour la langue française, certains caractéristiques sont particulièrement utiles à connaître car elles vont guider les activités proposées à nos élèves:  

  • Les sons qui composent la langue: la langue française est composée de 12 sons voyelles, 3 semi-voyelles et 17 consonnes, qui se combinent dans des syllabes avec des structures caractéristiques de la langue, puis en mots  (plus de détails ici). Dès la première année de vie, l’enfant distingue ces sons et ces structures, même s’il n’arrive pas encore à les prononcer. Il est donc important de leur parler en utilisant une bonne articulation. Cela implique également qu’il est nécessaire d’accompagner les enfants qui ont eu peu d’exposition à la langue française avant leur entrée à l’école maternelle dans ce processus d’acquisition.
  • La tonalité du français est modérée, cela veut dire qu’on distingue peu les mots à l’intérieur d’une phrase. Cela donne des échanges mignons comme avec cet enfant de 3 ans à qui je dis “ce sont des groseilles”, et qui me répond “on dirait des petites zeilles”. Quand on lit une histoire avec des mots nouveaux, il est important de bien articuler, séparer ces mots, les répéter si besoin. 
  • Les liaisons posent une difficulté supplémentaire, ce qui donne des “nananas” et “navions”. Pour aide l’enfant à connaître le bon mot, on peut attirer leur attention au mot isolé. “C’est un avion, a-vi-on, avion”

L’acquisition de vocabulaire nécessite des capacités de discrimination phonémique efficaces. 

Beaucoup des mots courants sont très proches (poule/boule, chat/ça…) et l’enfant doit pouvoir les discriminer de façon automatique. Quand on entend une histoire ou lors d’un échange à l’oral, les mots s’enchaînent rapidement. 

Pour que la compréhension soit précise et efficace, l’enfant doit pouvoir traiter de façon rapide et automatique ces subtilités phonétiques de la langue et se concentrer sur le sens global de ce qui est dit ou raconté. Des activités pour entraîner ce traitement phonétique sont important pour tous, et encore plus nécessaires aux enfants qui n’ont pas le français comme langue maternelle.

Que faire concrètement en classe

Adapter notre façon de nous adresser à nos élèves

  • Adapter le flux de parole: parler lentement, en articulant les phonèmes. Plus le thème qu’on va aborder est nouveau ou une histoire complexe, avec des mots que les élèves ne connaissent pas, plus il va être important de prendre le temps de bien expliciter ces mots, donner leur prononciation. 
  • Répéter les mots, en isolation si besoin. Cela peut être quand on travaille avec des cartes de vocabulaire: “oui, avion” au lieu de “oui, c’est un avion” (l’enfant entend “navion”). Mais aussi quand on lit une histoire: 

Utiliser des gestes pour aider les élèves à distinguer certains sons

Certains phonèmes dans la langue française sont très proches. Des mots comme “main/nain”, “beau/dos” peuvent être difficiles à distinguer à l’oreille pour nos jeunes élèves. Pour d’autres mots, ce sont les graphèmes qui peuvent être difficiles à distinguer, les confusions “d” “b” sont courantes. 

  • Utiliser des signes pour indiquer le phonème peut être une aide précieuse, et surtout quand ils commencent à encoder ou à décoder. J’ai longtemps utilisé en maternelle les gestes de Borel-Maisony. A chaque phonème de la langue correspond un geste, quel que soit le graphème utilisé. Voici une très belle vidéo pour découvrir ces gestes

Proposer des activités ciblées sur la structure phonétique 

  • Voici un jeu de cartes et un loto pour travailler l’acquisition sons consonnes à partir des “paires distinctives”, fabriqué à partir de l’excellent livre de Philippe Boisseau, Enseigner la langue orale en maternelle

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Loto des « sons consonnes »

Le développement du langage est une des grandes priorités de la maternelle, et le travail sur l’articulation et la discrimination des sons en est une partie importante. Vous trouverez ici un jeu de loto à télécharger pour travailler, par des activités ludiques, la discrimination et l’articulation des sons consonnes.

Les paires distinctives sont des mots qui ne se distinguent que par un des sons qui les composent, comme « poule/boule ». Dans son livre Enseigner la langue orale en maternelle, Philippe Buisseau propose de s’appuyer sur ces paires pour favoriser l’acquisition par les élèves de l’articulation des sons consonnes.

Je propose ici un jeu de loto fabriqué à partir des paires distinctives proposées dans ce livre, à utiliser dès la Petite Section. Le fichier à télécharger comporte trois parties:

  • Les neuf premières pages sont les cartes « à piocher » et présentent les mots qui seront utilisés. Il est important de présenter ces mots avant de commencer le jeu pour que tout le monde soit d’accord sur ce que représente chaque image, certains peuvent être ambigues!
  • La 10e page comporte la liste des paires distinctives. Il y a quatre séries où différentes paires sons consonnes sont présentées. Elles suivent l’ordre d’acquisition des distinctions des sons en prononciation par les élèves.
  • Les pages suivantes sont les planches du jeu de loto, quatre par série.

Idées d’utilisation en classe

Les cartes-image peuvent être utilisées dès la Petite Section, à la fois pour un travail sur le vocabulaire (tous les mots ne sont pas si courants!), et pour entraîner l’écoute. Les petits adorent les jeux où on peut « collectionner des cartes ». Disposer les cartes-image une par une en les nommant « voici ‘pépé’, voici ‘bébé’… », demander aux élèves de répéter, puis leur dire « Mario, tu peux prendre « tube », Inès tu peux prendre « cube »… »

Le jeu de loto peut être utilisé dès la Petite Section pour un travail sur l’écoute également. Le concept du jeu peut être un peu compliqué pour certaines élèves. Vous connaissez bien votre classe, vous pourrez juger de la pertinence ou non de l’utiliser avec les plus jeunes. L’idée du jeu est simple: l’enseignant prononce les mots, les élèves doivent les distinguer à l’oreille et trouver la bonne image. En Moyenne ou Grande Section les élèves peuvent mener le jeu: l’enfant annonce la carte piochée en s’efforçant de bien articuler pour être compris.

Conseil: présenter les mots sans les déterminants

Quand on propose ces activités, il est important de toujours présenter les mots « seuls », sans déterminant. On dira « pull », et non « un pull ». L’utilisation des déterminants donne un indice supplémentaire à l’enfant. Dans la paire « pull/bulle », si on dit « un pull » / « une bulle », le fait que le mot soit masculin ou féminin est un indice pour l’enfant qui a moins besoin de s’appuyer sur le son de la consonne pour distinguer les deux mots.

Fichier à télécharger:

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Utiliser les conséquences

Quand les règles et routines sont claires, et que vous mettez en place de nombreuses interventions préventives, les écarts de comportements se font plus rares.

Face à un comportement inapproprié, Il est important de toujours commencer par les interventions discrètes (s’approcher de l’enfant, le toucher si c’est approprié, faire un rappel de la règle avec un signal, ou un rappel à l’oral; proposer des choix).

Mais il est tout aussi important de ne pas avoir peur d’intervenir avec une conséquence lorsque les comportements inappropriés ne cessent pas

Les conséquences formatives

Définition d’une conséquence formative

Une conséquence à un comportement est “ce qui se passe après un comportement”. Les conséquences formatives sont des interventions intentionnelles et qui ont deux objectifs: 

  • Diminuer ou éliminer le comportement inapproprié 
  • Enseigner l’élève à avoir le comportement désiré

Exemples de conséquences formatives: 

  • Pratiquer le comportement souhaité: C’est la conséquence formative la plus puissante. Si un enfant descend les escaliers de l’école en courant, le prendre par la main, remonter les escaliers avec lui et lui dire “on va redescendre marche par marche, tiens la rampe, doucement”. S’il lance des jeux dans la boîte pour les ranger en faisant du bruit, sortir les jeux et montrer “on les pose dans la boîte, sans faire du bruit, comme ça”. Il est important, surtout en maternelle, de pratiquer tout de suite le comportement souhaité. Dire à un enfant en bas de l’escalier “la prochaine fois tu descends doucement” ne fonctionne pas. Il faut remonter de suite et refaire ensemble. 
  • Geste Réparateur: Une autre approche consiste à utiliser un geste réparateur. Si un enfant déchire les pages d’un livre, il peut vous aider à le réparer. S’il dessine sur la table, lui montrer comment nettoyer. S’il enlève toutes les étiquettes du tableau de présence, il doit toutes les remettre à leur place avant de passer à une autre activité. 

Pensez à planifier à l’avance les conséquences formatives pour les problèmes les plus courants dans la classe. Pris dans le feu de l’action, on a plutôt tendance à partir sur des conséquences punitives, qui n’enseignent pas le comportement attendu. 

Précision: parfois quand on lit qu’il faut “enseigner le comportement attendu”, on se dit “mais ils savent très bien ce qui est attendu!”. Ils savent qu’il ne faut pas écrire sur les tables ou courir dans les couloirs de l’école. C’est pourquoi l’objectif n’est pas d’enseigner “le comportement”, mais enseigner l’élève à “avoir le comportement”.

Un nutritionniste ne va pas vous apprendre ce qu’est une alimentation équilibrée (vous le savez!). Il va vous accompagner dans la mise en place d’une alimentation équilibrée au quotidien. Savoir n’est pas savoir faire.

Les conséquences “non formatives”

Tous les comportements n’ont pas nécessairement une conséquence logique et formative. Cependant, l’intervention la moins efficace face à un comportement perturbateur serait de ne rien faire du tout. Il est préférable d’intervenir avec une conséquence non formative que de laisser le comportement inapproprié perdurer, d’autant plus si le comportement gène le groupe. 

Exemple: 

Un enfant interrompt le regroupement de façon répétée malgré vos rappels à la règle. Continuer à se répéter n’obtiendra pas de résultat, et rendra votre séance désagréable pour tous et inefficace pour vos élèves. 

On lui propose un dernier choix: “tu peux lever la main et attendre ton tour de parole, comme tes camarades, ou tu peux quitter le regroupement pour qu’on puisse continuer notre échange”. Et à la prochaine interruption, on lui explique qu’il doit quitter le regroupement car il ne respecte pas les règles de prise de parole. On peut lui indiquer par exemple de s’asseoir en retrait du cercle – il entend tout ce qui se passe mais n’est plus “avec nous”. 

Ce n’est pas une conséquence “formative”, elle ne lui apprend pas à lever la main la prochaine fois. Mais c’est parfois nécessaire pour pouvoir terminer l’activité prévue, respectant ainsi le besoin des autres élèves. Et cela montre à tous que cet écart de comportement n’est pas toléré. 

Points de vigilance quand on utilise une conséquence non formative:

  • Présenter cela comme une conséquence de ses actions et non pas à sa personne.
  • Rester calme et factuel, sans aucun jugement sur l’élève: « tu n’as pas attendu ton tour de parole », et non pas « tu n’est pas respectueux ».
  • Limiter le temps de “mise à l’écart”, 30 secondes ou quelques minutes grand max sont suffisants
  • Réintégrer l’élève rapidement avec un rappel et un encouragement: “tu es prêt à respecter les règles de prise de parole? Super, on est ravi de t’avoir avec nous, viens reprendre ta place”. 
  • Renforcer le comportement attendu dès qu’il se présente: l’enfant lève la main en silence, on le félicite et on lui donne la parole. 

Un outil dans un système

Les conséquences sont un outil parmi d’autres pour la gestion des comportements en classe. Elles ne sont efficaces quand quand elles sont intégrées dans un ensemble composé de règles et routines claires, et de beaucoup d’interventions préventives et correctives-discrètes. 

Si vous vous retrouvez à utiliser trop souvent des conséquences, il peut être utile de revisiter les fondations de votre gestion de classe: l’installation de routines, les interventions préventives, les interventions correctives discrètes. 

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L’apprentissage de la lecture et l’école maternelle

Si l’apprentissage de la lecture se fait officiellement à partir du CP, c’est en maternelle que nous posons toutes les bases sur lesquelles les élèves vont s’appuyer pour apprendre à lire. Le Collège de France a organisé un cycle de conférences à destinations des enseignants sur l’apprentissage de la lecture et ses difficultés. Cet article n’est pas un résumé de tout ce qui a été présenté, mais un recueil des principes qui ont été présentés qui touchent plus particulièrement à la Maternelle. 

Le constat: trop d’enfants en France ont un niveau de lecture très insuffisant à la fin de l’école élémentaire et du collège. Nous savons aujourd’hui comment enseigner efficacement la lecture. Nous connaissons les pré-requis (on y reviendra car c’est un rôle clé de la maternelle),  les mécanismes d’apprentissage, les difficultés que les élèves peuvent rencontrer, comment les repérer assez tôt, et comment y remédier.  Les enseignants sont en première ligne et peuvent faire beaucoup pour ces élèves qui sont en difficulté. Une minorité d’élèves aura besoin d’accompagnement spécifique (orthophonie, enseignant spécialisé…). Mais pour une grande majorité des élèves, des enseignants bien formés avec des méthodes efficaces suffisent. 

La maîtrise de la langue oral 

La maîtrise de la langue orale sous-tend la maîtrise de la lecture. L’école maternelle a un rôle énorme à jouer ici, et des méthodes efficaces existent pour aider les enfants à développer leur vocabulaire, syntaxe et compréhension orale. Le “bain linguistique” de la simple présence de l’enfant dans une classe ne suffit pas pour les élèves les plus en difficulté. 

10 conseils et activités pour travailler le langage en maternelle

Les prédicteurs de réussite en lecture

La compréhension de l’écrit dépend de deux composantes: le décodage des mots et la compréhension du langage. Pour chacun de ces composants, nous connaissons des compétences prédictives de réussite en lecture – des compétences que, si on arrive à s’assurer qu’un élève maîtrise à la fin de la maternelle, lui ouvrent la voie à un apprentissage efficace de la lecture en CP.

Pour la compréhension du texte 

  • Vocabulaire – entraînement sur le vocabulaire à partir de mots issus d’un texte, des livres lus en classe
  • Compréhension de textes lus par l’adulte. On peut l’entraîner avec des activités comme:
    • Construction d’un modèle mental de situation (par exemple trouver l’image qui représente le mieux une texte lu)  
    • Détection d’inconsistances (par exemple entre ce qui est lu et ce qui est vu sur l’image)
    • Traitement d’anaphores (per exemple trouver les différents mots qui renvoient à un même personnage de l’histoire)  
    • Mise en évidence des liens de causalité
    • Comparaison de différentes versions d’une même histoire (ce qui est pareil, ce qui est différent)

Pour la lecture de mots: 

  • La connaissance des lettres: leur nom, son et formes. La recherche met en évidence l’intérêt d’un entraînement multi-sensoriel pour cet apprentissage, comme c’est souvent mis en pratique à l’école maternelle. 
  • Les habiletés phonologique: toutes les activités qui vont développer la conscience phonémique des élèves de maternelle sont très importants: les jeux d’écoute, les comptines, les jeux de discrimination et manipulation de syllabes ou phonèmes.  
  • Un entraînement du décodage de syllabes simples, qui vont aussi contribuer à ancrer chez l’enfant le sens de la lecture – l’ordre des lettres compte. 

Voici un très bon guide avec des exemples concrets sur pourquoi et comment travailler ces compétences en maternelle: Préparer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’école maternelle

L’évaluation, la remédiation

Les évaluations faites en classe ne sont utiles que si elles sont utilisées par l’enseignant pour connaître le niveau des élèves dans des compétences spécifiques, et pour proposer des remédiations. Il est capital de les intégrer dans la pédagogie comme une boussole qui oriente les prochaines étapes. Ce qui compte dans une classe n’est pas ce que nous avons enseigné, mais ce que nos élèves ont appris. 

Il est important d’agir très tôt pour aider les élèves qui présentent plus de difficultés. Dès la fin de la maternelle et le début de l’élémentaire nous pouvons repérer des difficultés ciblées sur certaines compétences et proposer des remédiations à l’école. Peu importe à ce stade de connaître les raisons de la difficulté rencontrée, l’important est de proposer une remédiation qui, pour la plupart des élèves, suffira à donner à l’enfant les compétences et entraînements dont il avait besoin. Une organisation de classe qui propose des temps spécifiques en petit groupes que pour les élèves en difficulté est un moyen efficace de proposer de la remédiation. 
Pour aller plus loin sur ce sujet: Repérer les enfants en difficulté dès la maternelle, une nécéssité. F. Ramus.

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Organiser sa classe pour prévenir les difficultés de comportement

Une classe bien organisée, ce sont des élèves qui savent ce qu’ils doivent faire, et qui savent comment le faire. Des élèves qui savent ce qu’ils doivent faire et comment le faire, ce sont des élèves qui font moins d’écarts de comportement. 

Organiser sa classe est donc une action de prévention très efficace pour éviter des comportements hors cadre.

L’ordre ici n’exclut absolument pas la bonne humeur, la joie de partager des bons moments et d’apprendre. Au contraire, une classe organisée est une classe où chacun a une place, l’espace et la sécurité d’investir les activités. 

Organiser son emploi du temps

Avoir un emploi du temps clair et  prévisible.

Vous devez savoir ce qui va se passer à tout moment de la journée. Le flou et l’hésitation sont source d’agitation. Vous pouvez utiliser des affichages pour que la structure de la journée soit claire pour vos petits élèves aussi.

Annoncer le déroulé de la journée plusieurs fois aux élèves. En maternelle, ils ont très peu la notion du temps, notamment les petits. “On va à la récréation, puis ce sera l’heure de l’histoire. Après l’histoire je vais vous emmener à la cantine. Tous les jours, après l’histoire, ce sera l’heure de la cantine”. 

Installer des routines claires pour les transitions. 

Comment on fait pour ranger la classe, qui fait quoi? Que fait-on quand on a terminé une activité? Je peux aller aux toilettes quand je veux? Qui s’assoit où en regroupement? Moins vous laissez de doute à ces moments qui reviennent tous les jours, plus ce sera fluide et moins vous aurez des comportements hors cadre à gérer. 

Organiser sa classe

Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place

Dans une salle de classe

Quelques astuces qui peuvent vous aider (et aider vos élèves!) à garder la classe organisée:

  • Utiliser des photos pour indiquer le bon rangement des coins jeux, dînette, arts… On fait une photo quand tout est bien rangé, on l’imprime et on la colle sur l’étagère en questions. Puis on montre aux élèves qu’il faut toujours ranger exactement comme sur la photo. Ils adorent!
  • Une version un peu plus rapide à mettre en place: utiliser des gommettes de couleur. Je l’utilisais pour mes puzzles et boîtes de jeu: ceux avec une gommette rouge sur l’étagère à gommette rouge, les vert ensemble…

Enfin, il est important d’avoir le minimum de choses disponibles dans sa classe. Plus il y a du matériel disponible, plus ce sera le bazar. Quand les puzzles sont empilés, un petit n’arrive pas à se servir seul. Quand il y a trop de boîtes de jeux, les élèves ne savent pas tous les utiliser.Trois pots avec une dizaine de feutres suffisent pour un coin dessin, et c’est beaucoup plus simple à ranger qu’une énorme boîte pleine de feutres dont la moitié ne marche plus. Pareil au coin dînette et garage… mieux vaut avoir quelques petits jouets en bon état qu’on saura exactement où ranger.

Favoriser l’autonomie des élèves

Un enfant qui s’ennuie est en un enfant qui cherche à s’occuper. Si dans votre classe il a assez d’autonomie pour s’occuper à des activités constructives, il y a moins de change qu’il essaie de se distraire en tirant sur les cheveux de sa voisine.

Quelques idées pour favoriser l’autonomie de vos élèves:

  • Laisser du matériel artistique accessible aux enfants: feuilles de brouillon, ciseaux, colle, feutres, craies… Créer un « coin des artistes » est sûrement une des actions qui m’a procuré le plus de calme dans ma classe.
  • Proposer quelques petits jeux de construction en autonomie, qu’on fait tourner souvent (toutes les périodes). Pas besoin d’en avoir beaucoup, on peut faire revenir un jeu qu’on a rangé la période précédente, mais le fait de ne pas l’avoir accessible toute l’année créé l’envie de l’utiliser.
  • Utiliser un affichage qui indique ce qu’ils peuvent faire quand ils ont terminé une activité. Par exemple dans ma classe de MS, en début d’année, c’était comme ça (simple mais efficace en début d’année!):

Et enfin, on n’oublie pas…. il faut organiser sa présence en classe! Être partout, et intervenir dès qu’on voit que ça commence à chauffer. Plus facile à dire qu’à faire, mais c’est un des points clés pour une classe qui roule. Même quand on travaille avec un petit groupe d’enfants, on doit avoir l’œil partout, et nous déplacer souvent dans la classe.

Gérer les comportements: comment intervenir efficacement

Même quand on fait tous les efforts de prévention, il y aura toujours des comportements dans la classe qui ne sont pas appropriés. Il est très important alors d’intervenir pour les arrêter, et pour qu’ils ne se reproduisent pas.

Je vous arrête tout de suite pour vous redonner un chiffre clé: dans les classes où il y a moins de difficultés de comportement, 80% des interventions de l’enseignant sont préventives, et 20% seulement sont des interventions correctives. Donc assurez vous d’avoir lu l’article sur la prévention des comportements hors cadre avant de vous pencher sur l’intervention.

Quand on parle d’intervention, ce qui est le plus efficace n’est pas forcément ce qui nous vient le plus naturellement. Il est important alors de prendre le temps de connaître les interventions efficaces et de planifier nos actions.

Les interventions discrètes

Il y a différents types de comportements hors cadre, et on ne va pas les aborder exactement de la même façon. Un élève qui parle en regroupement sans lever la main ou qui joue avec son copain et ne vient pas se ranger, ce n’est pas la même chose qu’un élève qui tape sur la tête de son camarade avec un rail de train.

Commençons par les petits écarts de tous les jours, sans violence. Notre objectif premier ici est que ce comportement s’arrête, et qu’il passe inaperçu des camarades de classe. Quand notre réaction attire l’attention de tous nos élèves sur le comportement hors cadre, on fini par renforcer sans le vouloir ce comportement. Alors restons aussi discrets que possible.

On commence donc par des petites interventions discrètes :

  • On s’approche de l’élève, on le regarde, on pose la main sur son épaule. Souvent cela suffit à cesser un bavardage, ou pour ramener l’attention d’un enfant.
  • On utilise un signal : un  non de la main ou un regard désapprobateur sont des signaux universels qui n’ont pas besoin d’être enseignés, les élèves comprennent vite que leur comportement n’est pas celui attendu. On peut aussi établir d’autres signaux pour la classe pour des consignes comme  “assieds toi”, ou “ce n’est pas ton tour de parler”.  Par exemple dans ma classe quand un enfant parlait alors que ce n’était pas son tour de parole je levait l’index vers lui. Ils le savaient, cela veut dire « je vois que tu veux parler mais ce n’est pas ton tour, lève le doigt et attends ».
  • Autant se peut, on ignore le comportement hors cadre et on complimente un élève qui respecte la règle. Il faut essayer pour y croire, ça marche vraiment. Si je pose une question en regroupement et Marie répond sans lever la main, je l’ignore et je me tourne vers Sarah “Sarah a levé la main en silence, on t’écoute Sarah”. Comme par magie, Marie lève la main.

Petit aparté pour la distribution de la parole en regroupement.

Très souvent et sans s’en rendre compote, on a tendance à rebondir positivement sur un élève qui parle sans lever la main quand son intervention est « juste »: par exemple je demande combien d’enfants sont absents, un élève dit « trois! » et je dis « oui trois élèves sont absents ». Mais si à la même question un élève dit « je peux aller aux toilettes? », je réponds « tu n’as pas levé la main! »

En faisant cela, on plante les graines d’un regroupement chaotique. Quelle que soit votre routine de distribution de parole, il faut qu’elle s’applique toujours et pour tous. Quelle que soit l’intervention de l’enfant, et quel que soit l’enfant (on va aussi avoir une tendance naturelle à écouter un élève plutôt discret quand il parle même sans respecter la routine, et de rappeler la règle aux plus bavards). Ignorer les réponses des élèves qui ne respectent pas la routine est une intervention très efficace, mais seulement si elle s’applique toujours et à tous.

L’avantage et la force de l’intervention discrète est qu’elle n’attire pas l’attention de la classe sur le comportement de l’élève. Elle peut se faire sans interrompre le cours du regroupement ou de l’activité, sans renforcer le comportement. Il faut vraiment en abuser.

Et les interventions moins discrètes

Si l’intervention discrète n’a pas d’effet, on va passer à des interventions…. moins discrètes. Mais attention, il reste très important de rester ferme mais calme – on sera moins discrets, mais la voix reste posée!

  • Faire un rappel de la règle à l’oral, formulé ‘positivement’ quand possible: je dis explicitement ce que l’élève doit faire, et non pas ce qu’il ne doit pas faire. “Paul, tu entends la chanson du regroupement, donc tu arrêtes ton dessin et tu le ranges, tu pourras le terminer demain matin”.
  • Si le comportement hors cadre continue à se répéter, il faut peut être prendre le temps d’enseigner le comportement désiré à nouveau. On peut le faire individuellement ou à toute la classe si de nombreux enfants ne suivent pas la routine ou la règle. Poser le cadre n’est pas l’affaire des premières semaines d’école, c’est une affaire de toute l’année. Si nos élèves mettent toujours trop de temps à ranger, alors on va réapprendre à s’arrêter au signal, on va proposer un sablier pour que tout soit rangé en 2 minutes, on rappelle les élèves que quand ils ont rangé ils doivent venir s’installer en regroupement…. bref, on repasse sur toutes les étapes avec eux. 
  • Enfin, on ne se répète pas plus que deux fois, on passe à l’action. Sara n’a toujours pas arrêté son jeu pour ranger? Je prends le jeu et je le mets dans la boîte. Hugo ne vient pas se ranger? Je vais le chercher par la main et je le ramène au rang. Hausser le ton est très très rarement efficace, en jamais constructif. Une limite est une action.

Avec tout ça en place, on a évité ou corrigé le plus discrètement possible un nombre incalculable de petits comportements qui viennent polluer nos journées.

Quand cela ne suffit pas (et dans ce cas seulement, quand on a déjà fait tout ce qu’on a dit plus haut), on passe aux conséquences.

Cette série d’articles sur la gestion du comportement en classe se base en très grande partir sur le livre « L’enseignement explicite des comportements« , de Steve Bissonette, Clermont Gauthier et Mireille Castonguay). J’ai fait quelques adaptations pour que certains points soient plus adaptés aux enfants de maternelle, le livre étant à la base écrit pour l’école primaire et le collège. Les exemples sont tous tirés de mon expérience en classe.

Dans cette vidéo, Pr Steve Bissonnette fait un excellent résumé du livre, j’encourage grandement le visionnage: