Faut-il toujours formuler des règles de vie positives?

Vous avez sûrement déjà entendu dire qu’il est important de formuler les règles de classe de manière positive, et que cela est plus efficace que poser des interdits. Et peut-être que, comme moi, à premier abord vous êtes un peu sceptique. Quand j’ai commencé à enseigner, je pensais que c’était mon rôle de transmettre les interdits de la vie de manière explicite, en énonçant clairement ce que l’enfant ne devait pas faire pour qu’il comprenne: « tu ne peux pas taper”.

L’enjeu: faire respecter les règles de vie

Puis en classe, on comprend vite que l’enjeu n’est pas tant dans la compréhension des règles, mais dans leur application. Nos élèves, même les plus jeunes, connaissent les grandes règles de vie, ils savent qu’ils ne doivent pas taper. Mais beaucoup le font. Si l’enjeu n’est pas dans la compréhension de la règle, mais dans son application, la question qu’on doit se poser est: qu’est-ce que je peux faire pour que mes élèves respectent les règles de vie, et non pas pour qu’ils les comprennent. Et cette subtilité fait toute la différence.

Avant d’aller plus loin, précisons qu’une règle de vie est une règle qui s’applique à tous, en tout lieu et en toute circonstance. “Lever la main pour parler en regroupement” n’est pas une règle de vie, mais une routine, ou une règle de la classe. “Respecter le matériel” est une règle de vie: quel que soit le moment de la journée ou l’activité, on attend toujours que tout le monde respecte le matériel. Dans cet article nous allons parler uniquement des règles de vie, car la façon de les poser et transmettre est différente des routines de classe. Pour installer des routines, tu peux lire un article ici.

Quelle différence entre “marche” et “ne cours pas”?

Pour reprendre clairement notre propos, nous cherchons à savoir comment faire pour que nos élèves respectent les règles de vie de la classe, et plus précisément, est-ce que le fait de les formuler positivement va avoir une influence sur les résultat?

Une consigne positive attire l’attention de l’enfant (et de ses camarades!!!) sur le comportement qu’il doit avoir, sans attirer l’attention sur le comportement qu’on ne souhaite pas voir. Suivre une consigne formulée positivement (assieds toi et regarde moi) demande moins d’effort que suivre une consigne formulée négativement (arrête de bouger dans tous les sens!), et cela a l’avantage très bénéfique de rappeler à toute la classe le comportement souhaité pour tous.

De plus, certaines de nos règles demandent aux enfants d’inhiber des comportements qui leur sont naturels. Quand on demande à un enfant de marcher au lieu de courir, d’écouter au lieu de toucher les paillettes réversibles du t-shirt de Marcus, on leur demande d’inhiber des actions spontanées. Or nos petits élèves n’ont pas encore développé les capacités d’inhibition de manière autonome et efficace. Dire à un enfant de marcher, de poser ses mains sur ses genoux, quand possible en lui montrant comment faire, c’est lui donner une consigne très explicite qui va l’aider à se recentrer sur ce comportement.

Choisir des formulations efficaces

Nous avons vu que transmettre une consigne tournée positivement – dire de façon explicite le comportement qu’on attend de nos élèves augmente les chances que le comportement soit adopté. Ce n’est pas seulement plus agréable, mais c’est aussi plus efficace.

Mais pour certaines règles de vie, il n’y a pas toujours une seule alternative positive. Quand un enfant pousse un camarade pour prendre sa place, il aurait pu s’asseoir ailleurs, demander gentiment, demander de l’aider à l’enseignant. De plus, certaines règles de vie sont des interdits, et des interdits qui sont valables en tout contexte, pas seulement à l’école. Un bon compromis me semble de préciser l’interdit qui est le socle de la règle, tout en proposant une alternative formulée positivement.

Je propose donc une méthode un peu mixte que j’utilise depuis des années, et qui pour moi permet d’être à la fois très explicite sur le comportement attendu, mais aussi d’insister sur le caractère universel de certains interdits. Voici quelques exemples:

Pour les règles de vie qui sont à la base surtout un interdit, on peut choisir une formule mixte:

  • Quand on intervient lorsqu’un enfant a tapé, par exemple, on commence par proposer une action concrète qu’il aurait pu utiliser à ce moment précis, puis on précise l’interdit: Tu peux dire ‘arrête!’, mais il est interdit de faire mal. J’évite de dire “tu peux utiliser tes mots”, surtout avec les petits, car pris dans la colère ils ont du mal à trouver des mots… Quand c’est possible, je donne une alternative physique: “Tu peux taper des pieds si tu es frustré car tu voulais la voiture rouge, mais il est interdit de taper tes camarades”.
  • J’aime les formulations “il est interdit de” ou “on n’a pas le droit de” car elles soulignent le fait que cette règle s’applique à tout le monde. Ce n’est pas “tu ne peux pas”, ou “tu n’as pas le droit”, c’est un interdit, c’est nous tous qui n’avons pas le droit. Parfois j’ajoute même “personne n’a le droit de te taper, et tu n’as pas le droit de taper les autres”.

D’autres règles de vie sont facilement tournées positivement, on reste alors sur une formulation simple et courte:

  • “On s’arrête quand quelqu’un nous dit ‘arrête’”.
  • “Quand quelqu’un nous appelle ou nous parle, on regarde cette personne.”
  • Pour la maternelle, je préfère les formules en “on…” ou “nous…” plutôt que ‘je…”. Cela souligne le fait que la règle s’applique à tout le monde. Mais, comme ils sont petits… parfois je précise: “On s’arrête quand quelqu’un nous dit ‘arrête’, ça veut dire que tu dois lâcher Paul quand il te dit d’arrêter”.

Et pour d’autres, la formulation positive est possible mais un peu abstraite pour des élèves si jeunes. On peut alors préciser, avec des actions positives, selon les besoins du jour:

  • On prend soin du matériel de la classe: je te demande de ranger les livres correctement, bien remettre le bouchon des feutres… préciser clairement quelle action on attend de l’élève.

Donc, faut il toujours formuler ses règles de vie positivement?

Ma réponse est : oui, et non!

  • Oui, il est important que, dans la formulation de la règle, il soit toujours très clair pour l’enfant ce qu’il doit ou ce qu’il peut faire, et non seulement ce qu’il ne peut pas faire.
  • Non, cela ne veut pas dire qu’on ne doit jamais dire “non”, ou jamais dire l’interdit de façon explicite aussi. Au contraire, il est important que nos jeunes élèves soient rappelés au besoin du caractère universel de certains interdits. Cela les rassure, car si personne n’a le droit de taper, et que la maîtresse ne me laisse pas taper Sara, elle ne la laissera pas me taper non plus.

Et gardons à l’esprit que:

  • Le ton employé est tout aussi important (voire plus important) que les mots choisis. Un rappel à la règle se fait avec calme, sans aucun cri, sans ironie. Ceci dit, dans certaines circonstances, il me semble normal (et important) que l’enfant sente dans votre voix une fermeté. Nous nous devons d’être toujours respectueux, il ne s’agit pas de faire peur à l’enfant, mais il est important de lui montrer (et même lui dire!) que nous n’acceptons pas leur comportement.
  • En règle générale, parce qu’on est un peu sous le stress aussi, on parle trop au moment où on re-re-re-re-dit la règle, ce qui finit par noyer la consigne. Pour être efficace, on doit être très clair et utiliser la formulation la plus courte possible.

Tout un programme! Eh oui, mais c’est une habitude à prendre. Une fois qu’on comprend pourquoi ces formulations sont plus efficaces, et surtout qu’on les teste en classe, on ne revient plus en arrière, et cela devient même très naturel.

Pour aller plus loin, je te propose de créer une matrice comportementale pour ta classe. Cet outil t’aidera à avoir une vision claire des comportements que tu attends de tes élèves, et à trouver les bons mots quand leur comportement n’est pas en phase avec les règles de vie.

Et après?

Faire vivre et respecter les règles de vie, c’est le programme de toute l’année, de toute la maternelle, de toute la vie. Et au-delà de comment on les formule, ce sont nos actions du quotidien qui vont faire que les élèves apprendront à les respecter. Prêts pour la suite? C’est par ici: Comment faire respecter les règles de vie dans ma classe.

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