Même quand on fait tous les efforts de prévention, il y aura toujours des comportements dans la classe qui ne sont pas appropriés. Il est très important alors d’intervenir pour les arrêter, et pour qu’ils ne se reproduisent pas.
Je vous arrête tout de suite pour vous redonner un chiffre clé: dans les classes où il y a moins de difficultés de comportement, 80% des interventions de l’enseignant sont préventives, et 20% seulement sont des interventions correctives. Donc assurez vous d’avoir lu l’article sur la prévention des comportements hors cadre avant de vous pencher sur l’intervention.
Quand on parle d’intervention, ce qui est le plus efficace n’est pas forcément ce qui nous vient le plus naturellement. Il est important alors de prendre le temps de connaître les interventions efficaces et de planifier nos actions.
Les interventions discrètes
Il y a différents types de comportements hors cadre, et on ne va pas les aborder exactement de la même façon. Un élève qui parle en regroupement sans lever la main ou qui joue avec son copain et ne vient pas se ranger, ce n’est pas la même chose qu’un élève qui tape sur la tête de son camarade avec un rail de train.
Commençons par les petits écarts de tous les jours, sans violence. Notre objectif premier ici est que ce comportement s’arrête, et qu’il passe inaperçu des camarades de classe. Quand notre réaction attire l’attention de tous nos élèves sur le comportement hors cadre, on fini par renforcer sans le vouloir ce comportement. Alors restons aussi discrets que possible.
On commence donc par des petites interventions discrètes :
- On s’approche de l’élève, on le regarde, on pose la main sur son épaule. Souvent cela suffit à cesser un bavardage, ou pour ramener l’attention d’un enfant.
- On utilise un signal : un non de la main ou un regard désapprobateur sont des signaux universels qui n’ont pas besoin d’être enseignés, les élèves comprennent vite que leur comportement n’est pas celui attendu. On peut aussi établir d’autres signaux pour la classe pour des consignes comme “assieds toi”, ou “ce n’est pas ton tour de parler”. Par exemple dans ma classe quand un enfant parlait alors que ce n’était pas son tour de parole je levait l’index vers lui. Ils le savaient, cela veut dire « je vois que tu veux parler mais ce n’est pas ton tour, lève le doigt et attends ».
- Autant se peut, on ignore le comportement hors cadre et on complimente un élève qui respecte la règle. Il faut essayer pour y croire, ça marche vraiment. Si je pose une question en regroupement et Marie répond sans lever la main, je l’ignore et je me tourne vers Sarah “Sarah a levé la main en silence, on t’écoute Sarah”. Comme par magie, Marie lève la main.
Petit aparté pour la distribution de la parole en regroupement.
Très souvent et sans s’en rendre compote, on a tendance à rebondir positivement sur un élève qui parle sans lever la main quand son intervention est « juste »: par exemple je demande combien d’enfants sont absents, un élève dit « trois! » et je dis « oui trois élèves sont absents ». Mais si à la même question un élève dit « je peux aller aux toilettes? », je réponds « tu n’as pas levé la main! »
En faisant cela, on plante les graines d’un regroupement chaotique. Quelle que soit votre routine de distribution de parole, il faut qu’elle s’applique toujours et pour tous. Quelle que soit l’intervention de l’enfant, et quel que soit l’enfant (on va aussi avoir une tendance naturelle à écouter un élève plutôt discret quand il parle même sans respecter la routine, et de rappeler la règle aux plus bavards). Ignorer les réponses des élèves qui ne respectent pas la routine est une intervention très efficace, mais seulement si elle s’applique toujours et à tous.
L’avantage et la force de l’intervention discrète est qu’elle n’attire pas l’attention de la classe sur le comportement de l’élève. Elle peut se faire sans interrompre le cours du regroupement ou de l’activité, sans renforcer le comportement. Il faut vraiment en abuser.
Et les interventions moins discrètes
Si l’intervention discrète n’a pas d’effet, on va passer à des interventions…. moins discrètes. Mais attention, il reste très important de rester ferme mais calme – on sera moins discrets, mais la voix reste posée!
- Faire un rappel de la règle à l’oral, formulé ‘positivement’ quand possible: je dis explicitement ce que l’élève doit faire, et non pas ce qu’il ne doit pas faire. “Paul, tu entends la chanson du regroupement, donc tu arrêtes ton dessin et tu le ranges, tu pourras le terminer demain matin”.
- Si le comportement hors cadre continue à se répéter, il faut peut être prendre le temps d’enseigner le comportement désiré à nouveau. On peut le faire individuellement ou à toute la classe si de nombreux enfants ne suivent pas la routine ou la règle. Poser le cadre n’est pas l’affaire des premières semaines d’école, c’est une affaire de toute l’année. Si nos élèves mettent toujours trop de temps à ranger, alors on va réapprendre à s’arrêter au signal, on va proposer un sablier pour que tout soit rangé en 2 minutes, on rappelle les élèves que quand ils ont rangé ils doivent venir s’installer en regroupement…. bref, on repasse sur toutes les étapes avec eux.
- Enfin, on ne se répète pas plus que deux fois, on passe à l’action. Sara n’a toujours pas arrêté son jeu pour ranger? Je prends le jeu et je le mets dans la boîte. Hugo ne vient pas se ranger? Je vais le chercher par la main et je le ramène au rang. Hausser le ton est très très rarement efficace, en jamais constructif. Une limite est une action.
Avec tout ça en place, on a évité ou corrigé le plus discrètement possible un nombre incalculable de petits comportements qui viennent polluer nos journées.
Quand cela ne suffit pas (et dans ce cas seulement, quand on a déjà fait tout ce qu’on a dit plus haut), on passe aux conséquences.
Cette série d’articles sur la gestion du comportement en classe se base en très grande partir sur le livre « L’enseignement explicite des comportements« , de Steve Bissonette, Clermont Gauthier et Mireille Castonguay). J’ai fait quelques adaptations pour que certains points soient plus adaptés aux enfants de maternelle, le livre étant à la base écrit pour l’école primaire et le collège. Les exemples sont tous tirés de mon expérience en classe.
Dans cette vidéo, Pr Steve Bissonnette fait un excellent résumé du livre, j’encourage grandement le visionnage: